Bon, et bien voilà, on se lance… Après quelques temps à tâtonner et barbouiller dans mes huiles, je dégauchis vaguement un début d’idée. Étrange concept que celui de sortir de ma forteresse de solitude, des odeurs si familières mêlant l’huile de lin et l’essence de pétrole pour dépoussiérer quelques croûtes en les sortant du format intime de mon cercle proche.
Dégauchir est peut-être effectivement le mot le plus juste, je crois. Partir d’une idée, d’une réflexion qui touche à l’humain dans son entièreté, son rapport à lui-même, aux autres, à son environnement, son contexte social et culturel dans nos sociétés aseptisées… Formuler des hypothèses, des réflexions, frotter le lin au pinceau, laisser courir quelques doigts sur un clavier ou hurler sur scène les profondeurs des humanités perfectibles.
Suggérer qu’une réflexion est possible et que ce que nous considérons comme des paradigmes n’en sont peut-être pas tant, que nos racines touchent éventuellement autant au formatage qu’en une évidence immuable.
Sujet vaste, multisectoriel et multifactoriel qui paraît vite indigeste et inattaquable. Il y a dix ans je traitais déjà de l’Homme. Étrange énigme narcissique à l’épicentre de beaucoup de travaux artistiques, le travail philosophique, sociologique et finalement plastique paraît rapidement trop colossal pour identifier l’angle sous lequel l’approcher.
Je crois que finalement il n’y a pas de bonne manière, réellement. Comme beaucoup de tâches complexes, il faut seulement aborder les choses en commençant quelque part. Le plus gros problème que j’avais à 20 ans, était peut-être un certain manque de maturité, d’expérience et d’objectivité. Il y a plus d’un an maintenant que j’ai peint l’Équilibriste. Je suis parti de là, de cette forme mobile sans couleur dans l’espace. On ne pouvait pas partir de plus simple. M’est venu en traçant les courbes de Léna, le premier témoignage qui m’a mené à une suite d’Écorchés.
Alors voilà, je suis parti de quelque part. Je suis parti de l’individu. Rien de plus complexe que ça. Des individus sur fond noir, ce qui se lit dans le corps-mémoire. C’était accidentel, instinctif, intuitif, et en y réfléchissant après coup, je me suis dit que l’analyse la plus juste devait partir du plus près du sujet. Et puis les idées sont sorties, une à une, et continuent, naturellement, de là. En ramifications, en rhizomes, une vascularisation organique d’idées en désordre qui tantôt forment un « chapitre » sur l’homme dans son rapport à lui-même, l’évolution face à son passé, ou encore à son contexte, et tantôt forment de petites idées orphelines au travers d’une toile unique, d’un triptyque..
Bref, une ramification complexe d’idées en désordre qui ensemble forment une hypothèse peut-être complète, un questionnement touchant à l’existence humaine, et qui essaie de s’organiser comme elle peut tout en fonctionnant de manière organique, et donc, comme moi-même, bordélique.
PARO
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